Après Mai, le film d’Olivier Assayas sorti mi novembre, saisit un petit groupe de lycéens qui découvrent, au tout début des années 70, le militantisme politique d’extrême-gauche, la liberté sexuelle, les voyages, le féminisme, et pour deux d’entre eux, leur vocation artistique. Plus que la description généralement faite du film ne le laisse penser, qui insiste sur sa dimension politique, il s’agit d’un récit de formation (et apprend-t-on dans les interviews de l’auteur, à forte composante auto-biographique) : le personnage principal se forge une personnalité autonome au travers des différentes péripéties politiques et amoureuses que propose le scénario, et finit par se convaincre de sa vocation, le cinéma.
L’extrême jeunesse des protagonistes, et des acteurs du films, est à la fois son charme principal et son point faible. Elle fait entrer dans la fragilité et l’indécision de la dernière adolescence, celle qui se confronte aux certitudes politiques des militants plus âgés, aux modes de vie de personnages eux-aussi plus âgés (le fils de famille anglais qui, avec des faux airs de Mick Jagger, est censé représenter le monde sulfureux de l’underground), ou plus banalement au monde professionnel des parents. Au travers de ces expériences, les personnalités vont se former, et puis s’éloigner. Olivier Assayas capte bien l’atmosphère de cet âge.
Le film est moins réussi quand il veut faire parler à ces jeunes gens d’aujourd’hui la langue politique des années 70, et Olivier Assayas a confessé que cela avait été sa principale difficulté (Positif, novembre 2012). L’obsession politique, les thèmes de l’extrême-gauche sont probablement comme des hiéroglyphes égyptiens pour les garçons et filles de 18 ans aujourd’hui. On peut toujours les lire, mais on ne les comprend pas. Les positionnements politiques sont obscurs, et le passage sinon au terrorisme, du moins à l’action violente, assez mal expliqué. D’où le fait aussi qu’Assayas ne réussit pas vraiment la scène d’assemblée générale, tenue au lycée, qu’il traite par dessus la jambe, surtout si on la compare à la même scène filmée, dans un contexte américain, par Antonioni dans Zabriskie Point (1970) au moment même où ce genre de confrontations rhétoriques était à la mode, ou aux recréations brechtiennes de Ken Loach dans nombre de ces films, par exemple Land of Freedom (1994) ou Du vent dans les Barneys (2006). Chez ces lycéens de la région parisienne, les comportements, les propos d’assemblée générales restent décousus, purement illustratifs, sans rien qui vienne leur donner un poids de réalité. Olivier Assayas, probablement loin des thématiques gauchistes de la période et qui sait le marquer dans son scénario (cf le bref échange sur Simon Leys ou la scène avec le vigile devenu moniteur de sport), ne fait probablement pas grand cas de la dimension proprement politique de son Après Mai – ce qui n’est pas forcément une limite du film. Comme en résumé des préférences du film, le scénario ne suit pas la petite équipe qui part faire du cinéma d’intervention politique en Italie, mais reste avec Gilles, le personnage principal, quand il rentre à Paris passer les Beaux-Arts.
En revanche, les scènes d’action sont plus convaincantes, qu’il s’agisse, au début du film, de la manifestion qui montre une violence policière déplaisante ou la vengeance que conçoit le petit groupe de lycéens contre des vigiles qui les ont dénoncés. Le cinéaste de Carlos sait y faire.
Le film a rencontré un réel succès critique mais les spectateurs ne lui ont pas fait grand accueil – ce qui est est injuste.
Film français d’Olivier Assayas avec Clément Métayer, Lola Creton, Félix Arnaud, Carole Combes (2 h 02).
Stéphan Alamowitch