En Russie, on a la chance d’accueillir inopinément des météorites auxquels personne ne s’attendait. Cela met un peu de piment dans la vie des habitants de ces coins perdus de Tcheliabinsk. Cela finira peut-être même par leur rapporter de l’oseille. Manne du ciel imprévue, les débris retrouvés sur terre suscitent la curiosité des enfants, attisent les convoitises de spéculateurs de tout poil, mais restent interdits d’approche aux scientifiques au lac Tchebarkoul.
On n’oublie pas pour autant la Mordovie, qui a accueilli un météorite humain, de poids, celui-là, en la personne d’un acteur français célèbre. Cet événement continue à faire la une des journaux, des sites internet et des conversations avec les chauffeurs de taxi (même de gauche : en russe levaki), qui sont sources intarissables de renseignements et détracteurs inépuisables du pouvoir en place, de tout temps.
Le ridicule ne tuant pas, l’affaire Depardieu continue à alimenter les médias russes, d’autant plus que l’acteur est de retour (depuis le 21 février) dans sa nouvelle patrie ! Après avoir non sans mal enfilé une chemise brodée russo-mordve XXL à laquelle il manquait visiblement quelques XX, l’acteur français acquiert un appartement. Aux dernières nouvelles, Gérard va, avec un passeport flambant neuf délivré à Moscou, se voir accorder, conformément à la loi, tout en devenant ministre de la culture de Mordovie, un enregistrement (Français ignorants des pratiques policières russes, abstenez-vous d’essayer de comprendre !) permanent dans la région de Moscou, à Domodedovo, dans le quartier de Belye Stolby, là où se trouvent les fonds cinématographiques russes Gosfilmofond.
Pendant ce temps-là la Douma d’Etat, en mal d’occupations, vient (le 20 février, c’est tout frais) de voter en première lecture une loi punissant d’une amende pouvant aller jusqu’à 200 000 roubles l’emploi de gros mots et de grossieretés dans les médias [http://amurmedia.ru/news/khabkrai/20.01.2013/251984/materschina-v-smi-v-rossii-mozhet-oboytis-v-200-tisyach-rubley.html.] Il serait intéressant d’en connaître le « preiskurant » détaillé. Rassurez vous, ce n’est pas un gros mot, c’est un vocable allemand passé dans le russe, voulant dire « tarif ». Pour le moment, les prix varient uniquement en fonction du statut de celui qui profère le juron, mais ne disent rien de la valeur relative de ces derniers.
Heureusement la vox populi, même en Russie, n’est pas morte. Et les chansons populaires sur le sujet font florès. En voici une :
Chanson populaire sur Depardieu
A Depardieu, de la part du peuple russe
« Nous autres, hélas, ne sommes pas Depardieu,
Nous ne pourrons pas aller à Sotchi en état d’ébriété,
Nous n’embrasserons pas VVP (Poutine),
Comme le fait ce nouveau citoyen russe. »
« Nous ne danserons pas en Mordovie,
Vêtu d’une chemise mordve brodée,
Nous autres, hélas, ne sommes pas Depardieu.
Quels danseurs ferions-nous, je t’en foutrais… »
« Nous ne sommes ni Belmondo, ni Mathieu (Mireille),
Ni (Pierre) Richard, ni Edith (Piaf),
Nous autres, hélas, ne sommes pas Depardieu,
Et encore moins, bien sûr, Brigitte (Bardot) ».
« Nous ne sommes ni Louis (de Funès), ni Didier ( ?),
Mais comme il est facile de nous humilier !
Et l’envie nous prend de piquer à Depardieu
Son passeport français. »
Véronique Jobert