PS : Cherchez l’erreur

Souvent, c’est au début que l’on commet les erreurs qui finissent par vous emporter, de sa propre volonté et sans pression de l’extérieur.

Ainsi le pouvoir socialiste après les élections de mai 2012.

Le rejet du Centre

François Hollande et le Parti socialiste n’ont pas voulu ouvrir, dès les législatives de juin 2012, leur majorité au Centre – Centre sans lequel pourtant, ils ne l’auraient pas emporté face à Nicolas Sarkozy et à l’UMP.  Sur le plan institutionnel, rien ne les y obligeait, mais rien ne le leur interdisait, sinon la culture, la tactique, la sensibilité, et plus qu’on ne le pense, le souci des places à distribuer1.  Aucun signe n’a été adressé au Centre.  François Bayrou à l’assemblée, Corinne Lepage au gouvernement, par exemple, c’était former une alliance électorale mais aussi sociale qui est précisément ce qui manque aujourd’hui au président et au gouvernement.

Erreur suicidaire : depuis le début, le pouvoir socialiste sait qu’il ne conduira pas la politique que souhaite encore son aile gauche, et qu’il décevra une partie de sa base électorale. Erreur tactique en un sens, mais aussi erreur qui vient du fonds qui fait le parti socialiste aujourd’hui. Ouvrir au centre, c’était faire entrer des thèmes, des hommes qui en l’état de la Gauche, ne sont pas autorisés par le logiciel en place.

Le refus de la régionalisation

Autre erreur des débuts qui est, dans le vocabulaire du tennis, une faute non provoquée : l’abandon de toute décentralisation sérieuse – et de cela, on ne peut accuser ni les marchés financiers ni l’Allemagne.

Rien n’obligeait le gouvernement à concevoir un premier projet de loi que les conseillers d’Etat qui l’examinaient, dans sa première version, qualifiaient in petto  d’usine à gaz sans pertinence. Projet si mal fichu qu’il fallut le scinder en deux puis trois textes, mais qui continue de ne rien réformer au fond, le constat est unanime, dans le souci de ne pas déplaire aux élus. Au lieu de réforme, au lieu de simplification, il est institué des mécanismes de coopération nommés « conférences territoriales », « conventions territoriales », « pactes de gouvernance territoriale », etc.

Le renforcement des régions aurait pourtant été un bon moyen de lutter contre les inégalités territoriales et de réduire les coûts de fonctionnement des administrations publiques de toutes sortes. C’était l’occasion de mobiliser le pays sur des sujets qui, pour une fois, ne relèvent pas de l’économie mais qui passionnent.  La décentralisation est de ces réformes structurantes et mobilisatrices qui permettent de tout remettre en perspective.  On en sent le besoin dans la révolte des Bonnets Rouges. Le Premier ministre, annonçant son Pacte pour la Bretagne (et le Limousin ? a-t-on envie de répondre), promet qu’il est désormais prêt à aller plus loin et à donner plus de pouvoirs aux régions – avouant ainsi que les textes préparés ces derniers dix-huit mois étaient à tout le moins insuffisants2. Un peu tard, en tout cas pour ce gouvernement.

Au lieu d’une vraie réforme des structures politico-administratives, nous aurons donc une loi dite de « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », qui n’a intéressé que les cercles d’élus et les spécialistes du droit administratif (qui la jugent en général bien superficielle). La réforme de l’Etat attendra.

Rejet du centre, refus de la régionalisation – risquons le terme : au delà du surmoi marxiste qu’on lui prête à tort ou à raison, le, PS n’est-il pas plutôt piégé par un surmoi jacobin ?  En tout cas, voilà deux bévues que le Parti socialiste paiera cher aux élections.

On pouvait espérer mieux.

Serge Soudray

Notes

Notes
1« Toutes les places, et tout de suite », selon le vieux slogan des années 20, d’autant plus vrai aujourd’hui que le PS est un parti de professionnels de la politique.
2Le Monde du 13 décembre 2013
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