Christian Schwochow, De l’autre coté du mur

Dans le même style que Barbara dont il est comme le pendant, De l’autre coté du mur explore une dimension peu connue, en France du moins, de la vie allemande avant la réunification.

Nelly réussit à émigrer légalement d’Allemagne de l’est en 1976, avec son fils d’une dizaine d’années, Alexeï, et avec l’aide d’un passeur qu’elle doit payer.  Elle est affectée à une sorte de camp de transit en République fédérale, à Berlin. Les services secrets, l’administration l’interrogent, avec une froideur qu’elle n’aurait pas imaginée.  C’est encore le temps de la Guerre froide ; l’Ouest se méfie des espions qui profiteraient de l’occasion pour s’infiltrer, et puis elle est veuve d’un physicien d’origine russe.

Le film emprunte, en mode mineur, certains aspects du film d’espionnage, qu’il renouvelle grâce au rôle de l’agent américain, noir qui a combattu au Vietnam et qui finit par s’éprendre de la belle Nelly.  Mais à ce premier thème, s’en mêle un second : l’étude de cas à laquelle se livre le metteur en scène, avec ces réfugiés qui parviennent à s’adapter à l’Allemagne de l’Ouest, ceux qui n’y parviennent pas, la vieille dame qui se pend ou cette famille qui retourne en Pologne… ; et aussi le déclassement social, les différences de moeurs, la liberté de ton et de comportement auxquelles les femmes est-allemandes étaient habituées …  Peut-être est-ce du « déjà vu » pour le public allemand, une simple suite de clichés, mais c’est un bel aperçu pour des spectateurs français qui n’ont pas d’intimité avec cette histoire1.

Le film est touchant : il donne la mesure des blessures personnelles que la situation allemande d’avant 1989, la dictature communiste, la Stasi ont pu causer, même aux personnes qui n’avaient pas le courage ni le souhait de vivre en dissidents.  Le scénario évite cependant les drames et le pathos, sans dissimuler néanmoins les tensions et la violence qui minent la vie dans le camp de transit.  Cette émotion vient d’une caméra qui colle aux acteurs, aux visages, et au talent des  acteurs eux-mêmes (excellente Jördis Triebel).  Elle vient aussi du fait que c’est à l’enfant de Nelly de jouer le rôle de catalyseur de l’intrigue.  Le metteur en scène, Christian Schwochow, et son scénariste ont du métier.

Tout finit plutôt bien. La fin du film, un peu rapide, s’inscrit dans le registre des contes de noël sans essayer d’épuiser les deux veines qu’il a combinées, l’espionnage et l’exil.  Au lieu d’une fin romanesque, le metteur en scène montre Nelly qui réussit à recréer un foyer petit-bourgeois, chaleureux, en tant que nouvelle citoyenne de la République fédérale.

La vie a repris ses droits, nous dit le film, et on ne le lui reprochera pas.

Cassiopée Landgren

Film allemand de Christian Schwochow (2013) avec Jördis Triebel, Alexander Scheer, Tristan Göbel, Jacky Ido (1h42).

Notes

Notes
1Existe-t-il des films sur le retour des Pieds-noirs dans les mois qui suivent l’indépendance algérienne, avant que les uns et les autres se réinscrivent dans la société métropolitaine ?
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