Ce sont des critiques sans bienveillance qui ont accueilli en Europe et aux Etats-Unis le film de Zhang Yimou, Coming Home, présenté à Cannes en mai dernier. Le film est un mélodrame familial et politique, et ne relève pas du grand cinéma, c’est un fait. On lui reproche son « académisme », ce qui est mal vu. Et puis Zhang Yimou pâtit de sa réputation de cinéaste proche du pouvoir, accusation inexacte au demeurant.
Les critiques manquent le point essentiel : ce film conçu pour le public chinois, qui parait-il lui a fait un triomphe (signe que la fiction touchait un point sensible) donne à cet épisode épouvantable qu’a été la Révolution culturelle une dimension intime, familiale. Comment refonder une famille quand cesse la répression politique ? Que deviennent ces femmes qui ont attendu leur mari ? Que faire des enfants qui, pris dans la logique du régime, ont dénoncé leur parents ? Et c’est là que Coming Home est touchant et captivant.
Zhang Yimou donne à la belle Gong Li, dans le rôle de Feng Wanyu qui attendra son mari 20 ans et qui finit dans la folie douce, la mission d’être le symbole des personnes brisées par le maoïsme, celles qui auront perdu leur vie sans rémission. Comment rester insensible à la scène où Gong Li court retrouver son fugitif de mari et le voit arrêté en pleine gare, ou aux signes du temps qui passe sur cette actrice qui est toutes les femmes chinoises, une entre toutes, nous dit le film par une scène qui montre une autre femme dans la même situation.
L’ensemble est peut-être surjoué, lacrymal, mais c’est le propre du cinéma populaire et du mélodrame en particulier que de séduire les spectateurs par les conventions de style et les thèmes attendus (la séparation d’une famille, l’attente, les retrouvailles, …), plutôt que par l’invention. Zhang Yimou ne fait pas l’analyse politique du maoïsme ou de la Révolution culturelle, et on le lui a reproché1, mais il donne à voir les répercussions de la violence communiste dans les vies privées et les solutions que cette famille particulière finit par retenir : le père revient s’occuper de sa femme qui reste figée dans le passé, sans rien attendre de plus, leur fille est réintégrée dans leur ersatz de famille, les années passent.
Il serait dommage de passer à coté du film.
Casioppée Landgren
Film chinois de Zhang Yimou, avec Gong Li et Chen Daoming (1h49)
Notes
↑1 | On admire les journalistes qui de Paris donnent des leçons de dissidence. |
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