Sarah Bernhardt, icône de la Belle Époque

Étonnante exposition que l’exposition Sarah Bernhardt à Dinard, en cet été 2016.  Les jolies salles de la villa les Roches Brunes présentent de nombreuses photos, des portraits de l’actrice, les très jolies robes qu’elle aurait pu porter, et qui justifieraient de longs développements sur l’érotisme 1900, mais se gardent bien de toute pensée sérieuse, profonde.

C’est une exposition pour estivants en promenade, à qui l’on dit que Sarah Bernhardt fut un monstre sacré, une excentrique, qu’elle eut une grande influence sur les arts de son époque, l’une des premières aussi à monnayer sa réputation à une époque où la condition des actrices de théâtre est précaire, difficile.  Comme les esprits sont plus libres qu’autrefois, une salle rappelle qu’elle eut une vie sexuelle intense, avec des hommes et des femmes, en « femme libre », et l’on montre les portraits des nombreux amants qu’on lui connaît : des acteurs, son médecin, sa confidente, différents auteurs dramatiques, des hommes politiques… Une vitrine expose sa légion d’honneur et des photos la représentant à la fin de sa vie recevant des hommages quasi-officiels. Belle illustration de son rang au sein de l’establishment de la Belle Époque, en section Arts et Lettres.

Rien pour indiquer que Sarah Bernhardt fut aussi dans sa jeunesse une « cocotte », ce qu’on  appellerait aujourd’hui une escort girl, comme l’était déjà sa mère, elle qui probablement fit faire à sa fille ses premiers pas dans le monde de la prostitution de haut vol.

Rien pour préciser ce qu’était la dure condition des comédiennes dans la deuxième partie du XIXème  siècle, très mal payées, obligées de financer elles-mêmes leurs costumes de scène, presque toujours en quête d’un protecteur parmi les hommes riches de leurs temps – la condition de poules. L’exposition présente un exemplaire de son contrat avec la compagnie du Théâtre de l’Odéon, injuste, léonin a beaucoup d’égards, mais n’en tire rien, ni sur l’actrice ni sur la vie des comédiennes des années 1880-1900.

Rien enfin sur la juive Sarah Bernhardt, née dans une époque où le personnage romantique de la juive, présent chez Walter Scott, Mérimée ou Stendhal, laisse la place aux stéréotypes antisémites, et aux propos de Maurras sur les juifs qui ne sauront jamais dire Racine. L’exposition ne dit rien de l’Affaire Dreyfus et du soutien de Sarah Bernhardt aux dreyfusards, Émile Zola en premier lieu.

Cette orientation de l’exposition vers le décoratif pourrait se comprendre si les aspects proprement esthétiques étaient mieux expliqués. Ce n’est pas vraiment le cas. On voit ainsi Sarah Bernhardt, sur scène, en costume médiéval, et une salle est consacrée aux bijoux qu’elle portait, étonnants, au mobilier de son appartement, mais sans que soit fait le lien avec l’esthétique néo-gothique de cette période et l’esprit Fin de siècle, si loin de nous aujourd’hui1, mais alors dominants.

Bref, une exposition aimable, décevante, pour lectrices du Figaro Madame.

Il y avait mieux à faire.

Stéphan Alamowitch

Sarah Bernhardt, icône de la Belle Epoque

Exposition du 11 juin au 18 septembre 2016 à la Villa Les Roches Brunes, Dinard

Notes

Notes
1Encore que ! Le néo-gothique est de retour dans la culture populaire avec l’heroic fantasy en littérature et au cinéma ; l’esprit Fin de siècle correspond un peu au déclinisme actuel.
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