Cette gauche dont rêve la droite extrême

L’été 2022 aura probablement permis à la droite extrême de gagner quelques points de plus aux dépens de ce qui tient lieu de gauche aujourd’hui, cette alliance regroupée dans la Nupes conçue par Jean-Luc Mélenchon. Elle n’aura rien fait de spécial, sinon attendre que de polémique en polémique, cette gauche signale aux électeurs qu’elle ne les comprend pas, et même qu’elle se fiche de ce qu’ils pensent.

Le mois d’août parait le prouver à lui seul.

Une campagne provocatrice du Planning Familial au sujet des hommes enceints, typique de ce que peut produire la forme la plus militante de la gender theory, heurte le sens commun et scandalise. Cette gauche la défend, sans voir que le Planning Familial a été noyauté par un groupuscule qui rejette la différence des sexes au nom du droit à l’auto-détermination, et n’est plus le mouvement progressiste qu’il fut longtemps – au point d’admettre maintenant, par relativisme culturel dévoyé, le droit à l’excision. La droite extrême se frotte les mains, car elle croit ainsi prouver que la gauche est devenue relativiste en toute matière, et qu’il n’y a aucune revendication individuelle ou communautaire, même hasardeuse, qu’elle ne veuille endosser.

Le Garde des Sceaux fait mine de s’offusquer quand est diffusée la vidéo d’un divertissement offert aux prisonniers de Fresnes, dont un violeur récemment condamné ; il sait que l’opinion, travaillée au corps par les populistes, y voit une nouvelle preuve du laxisme judiciaire et pénitentiaire. La gauche lui tombe dessus, l’accuse de s’aligner sur l’extrême-droite et d’oublier l’état en effet déplorable, catastrophique des prisons françaises. Eric Dupond-Moretti aurait mieux fait de réfléchir davantage, mais au fond, il a tenu un propos de circonstance, conscient que cette vidéo allait faire scandale, hélas. La gauche surjoue l’indignation, croit bien faire, mais ce faisant, accrédite l’idée dans l’opinion majoritaire qu’elle serait bien le camp du laxisme, ce que soutiennent depuis longtemps les populistes de droite. Comme si la délinquance n’était pas l’un des soucis premiers des classes populaires, et comme si l’urgence n’était pas de détacher celles-ci du Rassemblement national…¹Au passage, on relèvera cet article bien idiot de Libération qui relativise le problème des rodéos urbains, pourtant un vrai poison dans la vie des cités, et qui insinue que le gouvernement en … Suite…

Ajoutons aux débats de cet été 2022 le moratoire global sur la chasse réclamé par le gentillet Julien Bayou au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, et l’interdiction des jets privés réclamés par les élus mélenchonistes. Deux mesures sur des sujets insignifiants, improvisées dans l’idée de se rallier les amis des animaux et les ennemis des milliardaires. Au-delà de leur démagogie, ce qui frappe, c’est d’abord qu’elles procèdent d’une pulsion identitaire assez primaire : les écologistes n’aiment pas les chasseurs, les mélenchonistes n’aiment pas les gens fortunés ; c’est aussi qu’elles visent à glaner des électeurs dans les marges de la société dont on provient soi-même, sans souci de constituer un bloc central capable de remporter les prochaines élections. On veut mobiliser les gens comme soi. Le reste…

Une gauche travaillée par les questions d’identité, pas forcément illégitimes, mais avec le simplisme béat de la mouvance woke²Et on laisse de côté ici le clientélisme communautariste qui voit le maire écologiste de Grenoble se mobiliser pour le droit au burkini dans les piscines de la ville et les députés Nupes … Suite…, et par ce qui fait l’identité foncière de ses diverses composantes, une gauche qui discrédite toute critique et tout ce qui n’est pas sur sa ligne comme étant d’extrême-droite, c’est une gauche qui est bien partie pour rester aussi minoritaire qu’elle l’est aujourd’hui. L’opinion s’en désintéresse. La droite extrême applaudit ; son heure approche, pense-t-elle. Triste fin d’été.

Serge Soudray