Chicago – Day 4 Suite et fin

Un jeune économiste français en poste à Washington a suivi la grande convention démocrate qui a investi Kamala Harris, le jeudi 22 août 2024 à Chicago. Il nous livre ses impressions de la dernière journée de cette convention en toute subjectivité, après nous avoir donné son sentiment au sujet de la première journée.

La Convention Nationale du Parti Démocrate qui s’est terminée ce jeudi 22 août est indubitablement une réussite, tant pour le Parti Démocrate que pour Kamala Harris et son colistier Tim Walz. C’est, pour beaucoup d’observateurs, un sans-faute qui devrait permettre à Kamala Harris de poursuivre sur sa lancée positive, se démarquer dans les sondages, et l’emporter le 5 novembre prochain.

C’est d’abord une réussite pour les démocrates qui ont su organiser une belle conférence, célébrer l’unité du parti et tourner chirurgicalement, prestement la page Joe Biden. La machine démocrate est impressionnante et ferait pâlir d’envie m’importe quel responsable de parti européen. Tous les ténors démocrates sont montés sur scène au cours de ces 4 soirées, montrant leur combativité et leur sens de l’’unité, avec des messages au ton positif : protection du droit à l’avortement, défense d’un modèle économique au service des classes moyennes, position ferme et humaine sur le contrôle de la frontière sud du pays, patriotisme. Mais ils n’en ont pas moins insisté sur le danger que représente Donald Trump pour la démocratie, sur son incapacité à rassembler le pays, sur sa violence et sur son égoïsme foncier.

Coach Walz

Très attendu pour sa première grande intervention de la campagne, Tim Walz a livré un excellent discours, très offensif. Insistant sur son expérience d’ancien militaire, de professeur et de coach et son image de « good neighbour », il a réussi à présenter les priorités démocrates comme des mesures de bon sens, nécessaires aux classes moyennes et respectueuses des libertés individuelles. Figure paternelle indéniable, très attachante, Tim Walz a su défendre la liberté de tous de choisir comment construire ou non une famille. Sous les yeux de sa femme, également professeur, et de leurs deux enfants très émus, Tim Walz s’est présenté comme un américain parmi tant d’autres, excédé par les excès de Trump et ceux des républicains obsédés par des sujets médiatiques éloignés des priorités réelles des américains. Accompagné sur scène par d’anciens élèves, « Coach Walz » a réussi à électriser la salle avec un discours digne de Rocky Balboa et des plus grands films de sport : « le parti démocrate mené dans les dernières minutes du temps réglementaire doit aller chercher avec les dents la victoire, one inch at a time, one yard at a time, one phone call at a time »1.

Pour un observateur français, habitué aux discours à rallonge de nos hommes politiques, avec litanie de chiffres, le discours de Kamala Harris peut passer pour une anomalie. Il fut court, entièrement centré sur le parcours de la vice-présidente, ses valeurs et sa vision de l’Amérique de demain, mais avec peu d’annonces de mesures concrètes. Il est certain que ce discours ne comptera pas parmi les grands discours de la politique américaine, et que Kamala Harris n’a pas (encore) les capacités oratoires de Barack Obama ou celles de Michelle Obama. Pourtant, le discours fut un succès.

Kamala for the People

S’ouvrant par un rappel de son parcours de fille d’immigrés, élevée par une mère célibataire qui l’a toujours poussée à se dépasser face aux difficultés de la vie (« do something about it »), issue d’une classe moyenne toujours fragile dans un pays sans protection sociale, Kamala Harris a su se présenter comme une illustration parfaite du « rêve américain ».  Elle a intelligemment rappelé ses succès, quand elle était procureur en Californie, dans la défense de la population et spécialement des plus fragiles. Elle se construit ainsi une image de « Kamala for the people »,  alors que la présidence Trump s’est caractérisée par la primauté des intérêts personnels. Sans paraitre embarrassée de l’absence de mesures concrètes dans son programme, Kamala Harris a développé sa vision de l’économie, au service des classes moyennes et pour offrir des « opportunités » à tous, par contraste avec l’avidité des milliardaires et contre un système truqué.

Elle a su profiter de son image relativement neuve en politique pour prendre à bras-le-corps la question israélo-palestinienne. Sans remettre en cause la position démocrate soucieuse de la défense de l’Etat hébreu, Kamala Harris a insisté sur la nécessité d’un accord de paix pour mettre fin à la tragédie à Gaza et permettre le retour des otages. Sur cette question qui divise en profondeur le camp démocrate, avec une aile progressiste plus jeune et plus sensible à la cause palestinienne, la candidate démocrate fut ovationnée. Longues ovations également lorsque Kamala Harris a dépeint Trump en allié objectif des ennemis des Etats-Unis, Iran, Chine, Corée du Nord et surtout Vladimir Poutine, le tout dans un moment de ferveur patriotique, valeur que les démocrates ont cherché à revendiquer pour leur tout au long de la convention.

Devant une foule enthousiaste et sous les yeux amoureux de leurs conjoints, Kamala Harris et Tim Walz, deux figures relativement neuves à ce niveau de responsabilité mais bien appuyées par la machine démocrate, ont su relancer le Parti Démocrate dans la course présidentielle. Ce n’était pas gagné, et d’autres partis de centre-gauche pourraient en tirer des leçons.

Tony from DC

Tony from DC est le pseudonyme d’un jeune économiste français en poste à Washington.

Première partie : Democratic National Convention Day 1 – Le dernier rugissement du vieux lion

Notes

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1On pense à Remember the Titans.
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