Reyhaneh Jabbari, une iranienne de 26 ans, est en prison depuis sept ans. Condamnée à mort, elle attend l’exécution de la peine capitale. Quel était son crime ? Avoir tué un homme qui a essayé de la violer. En octobre 2013, un mineur accusé de meurtre a été exécuté dans le sud du pays dans la ville de Kazeroon.
On estime que plus de cents mineurs délinquants seraient actuellement dans l’antichambre de la mort en Iran. Au moins 500 personnes, dont 27 femmes et 2 mineurs ont été exécuté en 2013 ; 57 par pendaison publique. Certains avancent que le nombre d’exécutions qui ont eu lieues en 2013 s’élève à 625. Depuis l’arrivée au pouvoir du Président Hassan Rohani, personnalité relativement modérée au sein du régime iranien, un nombre croissant d’exécutions publiques et de condamnations à mort en particulier des exécutions de jeunes ont eu lieues. Selon le Centre de Documentation des Droit de l’homme en Iran, au moins 534 exécutions dans les 8 derniers mois dont plus de 200 se sont produites cette année. En comparaison, les Nations Unies signalent 624 exécutions en 2013.
En septembre 2013, après la rentrée en fonction du Président Rohani, en dépit de la mise en libération très médiatisée d’une dizaine d’activistes et de personnalités de l’opposition, beaucoup d’autres, issus des syndicats ou des mouvements des étudiants, restent en prison accusés d’avoir des liens avec l’opposition.
L’un des pays les plus répressifs au monde
L’Iran est l’un des pays les plus répressifs au monde en matière de liberté de l’information. D’après Reporters Sans Frontières, le pays occupe la 173ème place (sur 180 pays) au classement mondial de la liberté de la presse en 2014. A la suite des manifestations postélectorales de 2009, les journalistes ont été la cible de vagues d’arrestations. Ceux qui ont été arrêtés ont souvent été détenus et condamnés à l’isolement sans inculpation ni jugement. Toujours selon RSF, au moins 52 journalistes et net-citoyens sont en prison en Iran. Certains souffrent de maladies. Malgré l’urgence des soins nécessaires, les responsables pénitentiaires et la Justice n’autorisent pas les transferts des malades vers les hôpitaux, et ceci en dépit des préconisations du règlement intérieur et de la médecine pénitentiaire mise en place par l’instance juridique en charge de la gestion des lieux de détention.
L’arrestation des avocats défenseurs des minorités, les personnalités d’opposition ou les autres personnalités ciblées par le régime est un procédé fort répandu. Nasrin Sotoudeh, l’avocate iranienne emprisonnée pour son action en faveur des droits de l’homme en2010 aété graciée et libérée grâce à un coup médiatique, juste avant le discours du Président Rohani à l’Assemblée Générale des Nations Unies en septembre 2013. Ce dernier tenait beaucoup à donner une image humaine du régime à l’étranger. Cette mère de famille avait été condamnée à 11 ans de prison et 20 ans d’interdiction d’exercer son métier pour « actions contre la sécurité nationale » et « propagande contre le régime », deux chefs d’accusations utilisés fréquemment par la justice iranienne pour condamner des opposants.
De plus, le gouvernement iranien nie la liberté de conscience des adeptes de la foi bahaïe, la plus importante minorité religieuse non musulmane d’Iran, qui compte quelque 300 000 membres. Selon la communauté internationale des bahaïes, il y a actuellement 114 bahaïes incarcérés en Iran. Dans un fatwa – un décret religieux – prononcé par le guide suprême Ayatollah Khamenei et récemment rediffusé dans la presse nationale, les bahaïes sont décrits comme « une secte trompeuse et déviante qu’il faut éviter ».
Des minorités ethniques sont surreprésentées dans les procès tenus en secret où les accusés, soumis à la torture et forcés de signer des fausses déclarations, sont condamnés à mort pour « hostilité à l’égard de dieu » et « propager la corruption sur terre ».
Quelles réactions occidentales ?
Ce qui précède décrit la situation malheureuse des droits de l’homme sous le régime islamique depuis 1979. Et en dépit de cette situation, l’administration américaine ainsi que d’autres pays occidentaux se précipitent pour renouer avec l’Iran.
Barak Obama dès son arrivée au pouvoir en2009 aannoncé que les États-Unis « étaient prêts à tendre la main si l’Iran était disposé à desserrer le poing ». Ce que, de tout évidence, les Iraniens ne semblent pas encore être totalement disposés à faire. Pendant les manifestations postélectorales de 2009 qui ont été violemment étouffées par le régime, les opposants iraniens ont fait appel à la Maison Blanche pour les soutenir. Le président Obama a choisi d’ignorer cet appel des opposants, préférant traiter avec les hommes du pouvoir. Realpolitik !
L’Europe est quant à elle le plus important partenaire commercial d’Iran après la Chine, le Japon, la Corée du Sud et l’Inde depuis la révolution islamique en 1979. Les pays européens ont de fait largement bénéficié de la rupture des relations entre les Etats-Unis et la République Islamique d’Iran à la suite de la prise d’otages à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran en 1980. Les Européens ont choisi de fermer les yeux sur le bilan catastrophique du régime iranien en matière des droits de l’homme. Les groupes automobiles français PSA et Renault n’ont quitté l’Iran qu’en 2012 et 2013 sous la pression des Américains pour se conformer aux sanctions internationales. Ainsi, Peugeot s’octroyait avant les sanctions 30% du marché local. Renault a vendu plus de 100 000 véhicules en Iran en 2012 en fournissant des composants pour assemblage par deux partenaires locaux. Renault a été forcé de quitter l’Iran en 2013 faut de quoi il se verrait interdire toute activité aux Etats-Unis. Dès mars 2013, Total et l’ENI ont demandé à retourner en Iran. Une délégation française d’une centaine d’entreprises, dont plusieurs sociétés du CAC 40, se sont rendues en Iran en février 2014 pour renouer contact et reprendre des activités commerciales avec l’Iran. Parmi les délégués, les représentants du CCFA, Comité des Constructeurs Français d’Automobiles, d’Européen Aeronautic Defence and Space company (EADS), de GDF, grand fournisseur de gaz et d’électricité en Europe, et bien entendu les constructeurs automobiles Peugeot et Renault, sans oublier les délégués de Total.
Plus de mansuétude qu’au temps du Shah
Force est de constater que les dirigeants occidentaux ont utilisé la question de la violation des droits de l’homme, avant 1979, au risque de déstabiliser le régime du Shah d’Iran. L’exemple le plus flagrant est la dénonciation des violations des droits de l’homme en Iran par l’ancien président américain Jimmy Carter (1977– 1981) qui en avait fait un thème de sa campagne électorale de 1977. Il reste que l’ancien président démocrate, fondateur de la Fondation Carter, qui s’ était donné comme missions la promotion du modèle américain et des droits de l’homme, ne s’est jamais prononcé depuis 1979 sur les violations des droits de l’homme commises par le régime islamique. Tout comme avec la Chine, pour laquelle les intérêts économiques dominent les rapports bilatéraux et multilatéraux, l’Occident semble faire preuve de beaucoup plus de mansuétude envers Téhéran qu’au temps du Shah.
Des institutions internationales
Les violations des droits de l’homme en Iran ont fait l’objet de nombreuses résolutions des Nations Unies , restées sans conséquences. Une résolution adoptée récemment par le Parlement européen sur les droits de l’homme dénonce le non-respect des normes démocratiques lors de l’élection présidentielle de juin 2013 remportée par Hassan Rohani et la violation permanente et systématique des droits fondamentaux en Iran. Le gouvernement iranien, pour sa part, a condamné le texte de cette résolution et l’a jugé comme irresponsable et contre-productif. Il a affirmé au Parlement européen, par le biais du ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, qu’il n’autorisera aucune délégation parlementaire européenne à rencontrer des membres de l’opposition politique et des membres de la société civile ni des prisonniers politiques en Iran.
Presque personne ne s’intéresse au respect de droits de l’homme en Iran, au nombre de prisonniers du régime des ayatollahs, ou au non-respect des droits fondamentaux des iraniens. Le nucléaire en Iran est l’unique sujet qui fait couler l’encre en Occident. Autour des tables de négociation, depuis plus de 20 ans, se sont réunis des grands de ce monde, pour inciter le régime iranien à abandonner ses projets d’enrichissement de l’uranium. Pour éviter que les Iraniens claquent la porte, pour ne pas fâcher le régime avec des sujets trop embarrassants, l’Europe a choisi de passer la question de droits de l’homme sous silence, ou presque.
En attendant, le sort de Reyhaneh Jabbari et des autres personnalités engagées qu’elles soient journalistes, avocats, activistes, cinéastes, des ouvriers syndicalistes ou non, des minorités religieuses ou ethniques incarcérées dans les prisons du pays est toujours l’objet des caprices de la justice iranienne.
Baba Kia
Baba Kia est une journaliste iranienne vivant en Europe.
Répartition des exécutions en Iran (2005-2011)
Source: Amnesty International et Iran Human Rights
Pour plus d’information :
Iran Human Rights Documentation Centre
Special Rapporteur’s Report on Human Rights in the Islamic Republic of Iran, March 2014