Mars 2012
Les quelques années qui viennent seront celles de tous les réalignements. Les positions philosophiques, morales et politiques figées en France depuis le début des années 90 pourraient-elles demeurer les mêmes dans une conjoncture marquée par de nouvelles questions ? Nommons-les :
Sur le plan international : le déclin de l’Europe, et de la France en particulier qu’il n’est plus possible de dissimuler ; la force de l’Allemagne qui fait que se pose aujourd’hui, comme à la fin du XIXème siècle, une Question allemande ; les conséquences pour le reste du monde de l’extrême polarisation de la vie politique américaine, et l’influence de forces à proprement parler obscurantistes, pour l’instant tenues en lisière par un brillant président démocrate, mais qui pourrait n’être pas suivi par son pays ; les grandes évolutions de ce que l’on n’appelle plus le Tiers-Monde mais qui ne se résume aux pays émergents et que le mot de « Sud » décrit très imparfaitement.
Sur le plan politique et économique : la crise de la gauche européenne, en recul presque partout malgré la crise du capitalisme financiarisé qui aurait dû la désigner aux électorats comme la solution raisonnable ; les impasses budgétaires face auxquelles se trouvent les comptes publics et les comptes sociaux qui obligent à réformer les modèles sociaux ; les impasses conceptuelles et surtout psychologiques de la gauche traditionnelle, en France, devant toute discussion du rôle de l’Etat, et sa préférence spontanée pour ce que Michel Rocard et d’autres appelaient l' »économie administrée » ; l’obligation de réformer sans tomber dans le « social-libéralisme » des années 1980, cette idéologie qui a tant fait pour la promotion des personne, les carrières, et si peu pour la société ; les concepts et les modes d’actions nés en marge du monde politique et qui y importent les préoccupations environnementales, écologiques que les technostructures productivistes ont beaucoup négligées.
Sur le plan social : la difficulté à organiser la protection sociale dans des économies européennes en déclin, avec une classe moyenne qui ne partage plus les objectifs de la social-démocratie traditionnelle ; la difficulté à intégrer, en période de chômage de masse, une population aux origines non-européennes, venant de parties du monde où ne sont pas encore enracinés les principes du libéralisme politique et le souci de la liberté individuelle face aux normes du groupe (liberté d’expression, laïcité, droits de l’Homme, droits de la femme, droit des homosexuels, …).
Cette revue entend proposer des éléments à tous ceux qui partagent ce diagnostic. Elle ne comportera pas d’articles de journalistes, comme les autres titres de la presse internet ; elle ne se bornera pas non plus à une pure fonction d’agrégateur de contenus, sans âme et sans intérêt ; elle présentera des points de vue argumentés, précis et des opinions étayées. Elle ne sera pas véhémente : le radicalisme critique est la conséquence d’un certain enfermement social et culturel, et surtout le signe secret qu’on se résigne à l’impuissance politique. Véhémence et conservatisme ont partie liée, comme toujours. George Orwell l’avait repéré en son temps dans les œuvres de ce grand protestataire qu’était Jonathan Swift : » l’expression politique d’un tel esprit ne peut être que réactionnaire ou nihiliste, car celui qui le partage souhaitera empêcher la société de connaître toute évolution propre à démentir son pessimisme » (Tels, tels étaient nos plaisirs et autres essais, Politique contre littérature, p.182).