Deux jours, une nuit – deux lectures

Les Frères Dardenne ont avec Deux nuits, un jour, sorti la semaine dernière, réussi un beau film, bien dans leur manière : intense, parfaitement construit et excellemment joué.  Marion Cotillard, qui illuminait The Immigrant de James Gray en prostituée polonaise, devient ici une ouvrière belge, Sandra, qui doit convaincre en un week-end ses collègues de l’aider à garder son travail. Pour cela, il leur faut renoncer à une prime de 1.000 euros. Le film est comme une fable moderne qui pourrait s’intituler L’ouvrière et son patron ou bien L’ouvrière et ses collègues. Comme les fables, le film se veut une leçon. … Lire plus

J’accuse Bill Viola

J’accuse Bill Viola de restaurer le culte des images, et de faire concurrence, dans les galeries du Grand Palais, à Notre Dame de Paris.
La foule de visiteurs de la remarquable rétrospective qui lui est consacrée ne ressemble pas à celle des expositions d’art contemporain.  D’ordinaire partagée entre l’amusement, l’étonnement, le consentement, elle est ici dans le recueillement.  Pas un bruit, à peine quelques chuchotis face aux images.  On ne visite pas.  On célèbre.  Enclenché au XVIIIème siècle, le transfert sur l’œuvre d’art des affects autrefois réservés  au sacré paraît ici bien achevé.  Malgré toutes les tentatives de désacralisation, l’art a tourné en religion. Lire plus

La réforme pénale : contre le discours simpliste ! A propos de l’ouvrage de Philippe Bilger « Contre la justice laxiste »

Dans le récent remaniement ministériel , Christine Taubira, Garde des Sceaux a conservé son ministère. Sage décision de la part de Manuel Valls qui a su faire prévaloir l’intérêt général des réformes sur ses désaccords passés. Les dossiers en cours auraient probablement été, sinon enterrés, du moins ralentis dans leur traitement. Et des réformes, il y en a eu : loi sur le harcèlement sexuel en juillet 2012, loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels en mai 2013, fin de l’expérimentation des jurés en correctionnelle en avril 2013, adaptation de la loi française aux engagements internationaux en matière pénale le 5 … Lire plus

Anthony Giddens, l’Europe, « Turbulent and Mighty Continent »

Faut-il se méfier d’un Britannique pro-européen ? Faut-il se méfier d’Anthony Giddens, qui fut l’un des artisans de la « troisième voie » empruntée par Tony Blair et qui, à quelques semaines des élections européennes, se livre à un plaidoyer en faveur de l’Europe fédérale dans son dernier ouvrage Turbulent and mighty continent, What future for Europe  ? Ne nous arrêtons pas au choix de la photo de couverture de l’ouvrage qui emprunte un cliché nocturne du continent européen à la NASA plutôt qu’à l’Agence spatiale européenne et suivons son regard sur l’Europe – ou plus exactement sur les Europes … Lire plus

La Télévision est un existentialisme : réflexions sur Breaking Bad

Le 29 septembre 2013, la diffusion du dernier épisode de Breaking Bad par une chaîne de télévision américaine créa un événement médiatique considérable dont il fut question sur les ondes de radio à travers les États-Unis et auquel le New York Times consacra ses grands titres. La conclusion de cette série télévisée fut analysée avec la rigueur d’interprétation esthétique et l’attention aux personnages et à l’intrigue que l’on réserve d’ordinaire à l’étude des fictions littéraires les plus exigeantes. Il est indéniable qu’au cours de ses cinq années d’existence, Breaking Bad a outrepassé les attentes des téléspectateurs et inauguré un nouveau … Lire plus

Eddy Bellegueule et la sociologie

C’est un livre remarquable, impressionnant même que vient de livrer un normalien de 21 ans. Il n’est pas dans les habitudes de cette revue de s’occuper de romans contemporains, mais pour ce texte, il faut écarter le principe de prudence et en souligner la dimension socio-politique. En finir avec Eddy Bellegueule est, vu de loin, l’équivalent de Guillaume et les garçons, à table, le film de Guillaume Gallienne, à cela qu’il ne concerne pas la bonne bourgeoisie mais le milieu des sous-prolétaires semi-ruraux de Picardie, et qu’il est dans l’ordre littéraire bien supérieur à ce qu’était ce film dans l’ordre … Lire plus

Au cinéma, la fin des petits couples ?

La France est un vieux pays de conformisme conjugal, familial, conformisme qui agrémente et à bien des égards dissimule une réalité plus complexe – tout naturellement plus complexe.  Le montrent bien Neuf mois ferme et Les garçons et Guillaume, à table!, deux films récents qui ont le point commun de concerner la bourgeoisie la plus traditionnelle, celle qui en partie, dans une lutte contre le temps, a cru bon de se mobiliser contre le mariage pour tous. Neuf mois ferme Neuf mois ferme met en scène Ariane Felder, juge d’instruction ambitieuse et vieille fille coincée que le scénario n’a pas le … Lire plus

Le droit, Ulrich Beck et l’Europe

C’est un livre curieux et peu convaincant que vient de publier le sociologue allemand Ulrich Beck, agrémenté d’une préface aimable et banale de Daniel Cohn-Bendit (l’Europe, l’Europe….). Ulrich Beck est un sociologue de grande réputation, et la relative médiocrité de son livre a de quoi étonner. Médiocrité qui vient d’abord du fait qu’il manque, fait étrange pour un ouvrage de sociologue, sinon de vraies analyses du moins des aperçus intéressants sur la dimension sociale de la crise européenne : rien sur les forces politiques, les hommes, la femme, qui en Europe et en Allemagne en particulier gèrent cette crise, et … Lire plus

Traduire La fin de l’homme rouge

C’est très peu de dire que La fin de l’homme rouge, l’ouvrage de Svetlana Alexievitch sur la fin de l’Union Soviétique (prix Médicis de l’essai 2013), est un livre impressionnant et troublant, et qu’il ne se lit pas sans qu’on pense parfois à Dostoïevski et parfois au Shoah de Lanzmann, deux références qui ont compté pour Svetlana Alexievitch, nous dit-on. Il est difficile de mesurer la somme de douleurs que cette partie du monde a pu subir, et tout aussi difficile de comprendre pourquoi la Russie actuelle est parfois nostalgique de la séquence historique qui se clot avec la perestroïka1Il serait … Lire plus

Exposition : Masculin/Masculin, L’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours

« Voilà. J’espère que vous avez fait le plein », glisse la conférencière d’un air mutin à un groupe de très dignes dames grisonnantes1Du sac à main de l’une d’elles, dépasse assez ostensiblement le numéro de la semaine d’un célèbre hebdo de centre-gauche, dont la « une » proclamait cette semaine-là aux … Suite… » dont un extrait en vidéo clôt l’itinéraire. Non loin, un couple homo, main dans la main, rêvasse devant La Douche.  Après la bataille d’Alexandre Alexandrovitch Deineka (1944), dérive inattendue du réalisme stalinien de guerre sur la pente savonneuse des amitiés viriles  où, nu de dos, un valeureux membre de l’Armée rouge … Lire plus