Violette ou l’impossible laideur féminine au cinéma

Si la femme philosophe a souvent résisté au passage au cinéma1Voir Une Hypatie des années 60,  Contreligne juin 2013,  il en est de même pour la femme de lettres.  Le film-portrait que Martin Provost vient de consacrer à Violette Leduc incite à en parler ici. On attribue l’invention de l’autofiction à Serge Doubrovsky dans les années 70, mais  Violette Leduc s’est mise d’elle-même sous le microscope dès 1945, quand elle débuta dans Les Temps modernes par un extrait de son premier livre, L’Asphyxie.  Dans une série de romans dont on mesure aujourd’hui la vraie valeur, elle a révélé les émotions … Lire plus

Camus et le cinéma

Si on le compare à d’autres écrivains de sa génération, Camus avait relativement peu à dire au sujet du cinéma. Certes, Camus était proche de l’actrice Maria Casarès, et il a effectivement commencé à travailler sur une adaptation cinématographique de La Princesse de Clèves pour Robert Bresson, et il est vrai que Jean Renoir lui a proposé de porter L’Étranger à l’écran, plusieurs années avant la version de 1967 signée par Visconti 1En mai 1954, Camus commença à écrire un scénario tiré de La Princesse de Clèves pour Robert Bresson. Dans une lettre à René Char, Camus se plaint de ce travail … Lire plus

Le monde enchanté de Jacques Demy

Le premier personnage de cette exposition qui en compte tant (Demy affectionnait les croisements d’intrigues, y compris d’un film à l’autre, et aimait filmer d’innombrables figurants le long des lignes de fuites de ses plans) est un bébé-projecteur, plus précisément un Pathé-kid, version pour enfants du Pathé-Baby, ce format spécifique (9,5 mm) créé à l’usage des familles par Charles Pathé durant les Années 20 qui allait, en France, populariser le cinéma d’amateur et à qui un Melville et bien d’autres durent également leurs premières envies d’images. C’est en tournant la manivelle de ce semi-jouet que le jeune nantais (il est … Lire plus

Wes Anderson, cinéaste pré-moderne

Les films de Wes Anderson – sept à ce jour : Bottlerocket, Rushmore, The Royal Tenenbaums, The Life Aquatic with Steve Zissou, The Darjeeling Limited, Fantastic Mr Fox, et Moonrise Kingdom– ont atteint le statut de cult-movies.  Ils semblent avoir tout pour plaire à notre époque : histoires de famille à l’eau de rose d’enfants ou d’enfants attardés destinées à des individus dotés du même âge mental, maniérisme du style vintage  nostalgique, univers fétichiste issu des BD et des livres pour enfants, clins d’œil  glamour rétro à la musique pop des sixties et aux films français nouvelle vague, acteurs recyclés ou décalés … Lire plus

A propos du Lincoln de Spielberg

Nous sommes en 1865.  Abraham Lincoln commence son deuxième et dernier mandat comme Président des Etats-Unis, pendant qu’une guerre sanglante sépare le nord du pays d’un sud qui tient à sauvegarder son économie de plantations fondée sur l’esclavage. Lincoln, qui avait prononcé  en 1863 une « Proclamation de l’Emancipation »–acte de guerre, mesure d’urgence—consacre toutes ses forces à intégrer l’abolition de l’esclavage dans les principes de la Constitution.  Il veut faire passer un treizième amendement, dit « the Great Amendment. » Entre radicaux, de fervents idéologues abolitionnistes, républicains pour la plupart, et démocrates du nord, pacifistes, anti-égalitaires, et hostiles à l’idée même d’un  quelconque … Lire plus

Andrzej Wajda, cinéaste du passé imparfait

Andrzej Wajda a aujourd’hui 86 ans, et pourtant rien n’indique qu’il songe à prendre sa retraite.  Il est en plein tournage d’un biopic sur Lech Wałęsa, l’illustre dirigeant du syndicat Solidarnosc. On peut considérer ce film comme la rencontre symbolique de deux Polonais de légende, dont la notoriété a connu peu à peu une éclipse. En réalité, il ne s’agit pas de leur première rencontre cinématographique, car ils se sont croisés voici plus de trente ans, en 1981, quand Wajda tournait son Homme de fer, l’histoire du triomphe du mouvement Solidarité. Dans ce film, Wałęsa n’est pas seulement visible dans … Lire plus

1912-2012 : Les Dieux ont soif, Anatole France ou les bienfaits de l’aporie

Rien de moins favorable à sa postérité, pour un écrivain, que d’être assis entre deux siècles. Chateaubriand, certes, a su faire de cette chausse-trappe un piédestal.  Anatole France n’y a pas si bien réussi. Les quatre tomes de ses Œuvres qui s’alignent dans la Bibliothèque de la Pléiade, entre Faulkner et García Lorca, portent la reliure havane, signe distinctif de l’appartenance au XXe siècle. Est-ce l’attribution du prix Nobel en 1921, trois ans avant sa mort, qui a justifié ce rattachement ? Car François Anatole Thibault était né sous le règne de Louis-Philippe ; il avait sept ans au moment du coup d’État … Lire plus

Farce française

Don Morrison, journaliste fort célèbre dans le monde anglo-saxon, a fait scandale par son article de Time Magazine dans lequel il annonçait The Death of French Culture, la mort de la culture française, qui fut ensuite suivi d’un livre sur le même thème (Polity Press). Nos amis du magazine britannique PORT viennent de lui redonner la parole dans leur numéro du printemps 2012, et nous ont autorisé à communiquer son article au public français. Bien des années plus tard, face au peloton d’exécution, je me rappelais ce lointain soir où mon père m’avait emmené voir Le Général Della Rovere. Mon … Lire plus

La Grande illusion : image d’un autre temps

Il est aujourd’hui difficile de voir sans perplexité La Grande Illusion, film qui vient de ressortir au début du printemps. Le film de Jean Renoir est divertissant, les acteurs sont en général convaincants, et le scénario conduit au dénouement – l’arrivée en Suisse – sans aucun ennui. Il reste que les images semblent venir d’un autre temps, non parce que le film est en noir et blanc mais du fait que la narration, consciemment (admettons-le pour l’instant), est faite de stéréotypes sociaux et culturels qui au lieu d’éclairer les personnages, encombrent notre vision et auxquels on ne peut vraiment croire. … Lire plus