Cinéma : Touch of Sin, la violence du chinois dans un monde sans droit

La critique cinématographique a encensé Jia Zhang-ke pour son Touch of  Sin (prix du scénario à Cannes), comme elle l’avait encensé pour The World (2002) et surtout Still Life (2006). Et il est vrai que Jia Zhang-ke fait preuve, dans Touch of Sin, d’un sens du récit, d’une précision dans la mise en scène et d’un talent de direction d’acteurs de tout premier ordre. En quatre histoires qui sont comme autant de nouvelles et qui ne cherchent pas à s’entrecroiser, Jia Zhang-ke dresse un portrait accablant de la Chine contemporaine – portrait qui n’est pas sans éclairer les faits divers atroces, … Lire plus

Camus et le cinéma

Si on le compare à d’autres écrivains de sa génération, Camus avait relativement peu à dire au sujet du cinéma. Certes, Camus était proche de l’actrice Maria Casarès, et il a effectivement commencé à travailler sur une adaptation cinématographique de La Princesse de Clèves pour Robert Bresson, et il est vrai que Jean Renoir lui a proposé de porter L’Étranger à l’écran, plusieurs années avant la version de 1967 signée par Visconti 1En mai 1954, Camus commença à écrire un scénario tiré de La Princesse de Clèves pour Robert Bresson. Dans une lettre à René Char, Camus se plaint de ce travail … Lire plus

La modernité sadique des cinéastes européens

Dans presque tous les films de Michael Haneke, un animal meurt à l’écran. Les protagonistes du Septième Continent (1989), son premier long-métrage, fracassent l’aquarium du poisson rouge familial, qui se tortille en s’asphyxiant sous nos yeux. Dans Funny Games (1997), tourné en allemand, les intrus BCBG qui terrorisent une famille dans leur maison en bordure de lac commencent par estourbir le berger allemand à coups de club de golf. « Bien sûr, précisait un jour Haneke dans une interview, dans mon film, je romps avec toutes les règles qui permettent au spectateur de rentrer chez lui heureux et satisfait. Il existe … Lire plus

Cinéma : La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kéchiche

Le film d’Abdellatif Kechiche, La Vie d’Adèle, est de ceux qui font couler beaucoup d’encre. Son succès à Cannes, les polémiques un peu idiotes qui ont suivi son tournage, avec les techniciens du cinéma, ses deux actrices et même Le Monde, tout alimente une chronique qui ne doit pas dissimuler ce fait : le film est remarquable. Il vaut les meilleurs Pialat, et met Kéchiche au rang des meilleurs cinéastes du moment, Jacques Audiart en particulier.  Cette puissance de cinéma vaut celle du film De battre mon coeur s’est arrêté ou celle du Prophète, deux grandes réussites. Comme Pialat, Kéchiche … Lire plus

Le monde enchanté de Jacques Demy

Le premier personnage de cette exposition qui en compte tant (Demy affectionnait les croisements d’intrigues, y compris d’un film à l’autre, et aimait filmer d’innombrables figurants le long des lignes de fuites de ses plans) est un bébé-projecteur, plus précisément un Pathé-kid, version pour enfants du Pathé-Baby, ce format spécifique (9,5 mm) créé à l’usage des familles par Charles Pathé durant les Années 20 qui allait, en France, populariser le cinéma d’amateur et à qui un Melville et bien d’autres durent également leurs premières envies d’images. C’est en tournant la manivelle de ce semi-jouet que le jeune nantais (il est … Lire plus

Une Hypatie des années 60: Hannah Arendt de Margarethe von Trotta

Il est toujours intéressant de voir comment le cinéma met en vedette une femme qui a la pensée comme activité principale.   Dans Hannah Arendt, de Margarethe von Trotta, cela passe principalement par la cigarette.  Gros plans sur un visage crispé ou rêveur, la cigarette qu’on traîne lentement de la main à la bouche.  La fumée de la philosophe exprime à la fois la satisfaction et l’angoisse de l’effort intellectuel.  C’est Barbara Sukowa, qu’on a connue plus jeune dans le rôle de la révolutionnaire Rosa Luxembourg, qui interprète, avec une belle précision, Hannah Arendt en femme philosophe au moment où elle décide … Lire plus

Cinéma : Free Angela Davis and All Political Prisoners

L’heure était aux jeunes ce 19 mars, au cinéma MK2Seine, pour l’avant-première de Free Angela Davis and All Political Prisoners, en présence d’Angela Davis elle-même, accompagnée de Shola Lynch, l’auteur du documentaire. On aurait pu s’attendre à retrouver des nostalgiques, soixante-huitards, et d’autres qui auraient manifesté pour Angela Davis en 1971, survivants des quelques 60 000 français qui ont défilé derrière Louis Aragon, à côté de sa sœur Fania Davis, pour demander sa liberté. Pourtant ils étaient peu au rendez-vous, ces survivants. La salle était remplie de jeunes Afro-Français, majoritairement de sexe féminin. Age moyen : 30 ans. Quelques t-shirts, … Lire plus

Wes Anderson, cinéaste pré-moderne

Les films de Wes Anderson – sept à ce jour : Bottlerocket, Rushmore, The Royal Tenenbaums, The Life Aquatic with Steve Zissou, The Darjeeling Limited, Fantastic Mr Fox, et Moonrise Kingdom– ont atteint le statut de cult-movies.  Ils semblent avoir tout pour plaire à notre époque : histoires de famille à l’eau de rose d’enfants ou d’enfants attardés destinées à des individus dotés du même âge mental, maniérisme du style vintage  nostalgique, univers fétichiste issu des BD et des livres pour enfants, clins d’œil  glamour rétro à la musique pop des sixties et aux films français nouvelle vague, acteurs recyclés ou décalés … Lire plus

A propos du Lincoln de Spielberg

Nous sommes en 1865.  Abraham Lincoln commence son deuxième et dernier mandat comme Président des Etats-Unis, pendant qu’une guerre sanglante sépare le nord du pays d’un sud qui tient à sauvegarder son économie de plantations fondée sur l’esclavage. Lincoln, qui avait prononcé  en 1863 une « Proclamation de l’Emancipation »–acte de guerre, mesure d’urgence—consacre toutes ses forces à intégrer l’abolition de l’esclavage dans les principes de la Constitution.  Il veut faire passer un treizième amendement, dit « the Great Amendment. » Entre radicaux, de fervents idéologues abolitionnistes, républicains pour la plupart, et démocrates du nord, pacifistes, anti-égalitaires, et hostiles à l’idée même d’un  quelconque … Lire plus

Cinéma : Sugar Man

Documentaire très singulier que ce « Sugar Man ». Il arrive souvent, durant le film, qu’on soupçonne un canular et que Sugar Man n’existe pas. Or il existe et son histoire, sa personnalité de musicien rebelle font un excellent film. Sixto Rodriguez, auteur de la chanson Sugar Man, commence par sortir deux albums de chansons réalistes, engagées, dans la tradition de Woodie Guthrie et de Bob Dylan, au tout début des années 70. Il est produit par des producteurs expérimentés liés au label Motown, mais le succès n’est pas au rendez-vous. Cet insuccès n’a aucune explication.  Le niveau littéraire des chansons, le … Lire plus