Anna, Ida et Wanda en Pologne (Ida de Pawel Pawlikowski)

Ida, ce film du cinéaste polonais Pawlikowski sorti au printemps, nous a paru si intéressant sur le plan cinématographique et sur le plan de l’histoire politique et culturelle polonaise que nous avons  demandé à la meilleure spécialiste de Pawlikowski, Joanna Rydzewska, de le mettre en perspective. Son article fait bien voir que l’histoire, la culture de cette partie orientale de l’Europe, les sensibilités politiques qu’on peut y repérer appellent réflexion. Ndlr Dans un récent entretien, Pawel Pawlikowski déclarait : « Je ne fais pas de films commerciaux pour les masses […] Ida, c’était une sorte de suicide commercial : un film en polonais, … Lire plus

Back in the USSR ou retour à l’Empire russe ?

Dans un petit livre paru en décembre 1993, « La fin de l’URSS et la crise d’identité russe », je m’étais efforcée de montrer quel traumatisme avait représenté pour la grande masse de la population soviétique la sortie de l’URSS. Si la chute brutale du niveau de vie de l’époque n’est plus autant d’actualité en Russie, demeure l’humiliation d’avoir désormais un territoire amputé des quatorze anciennes républiques socialistes soviétiques. Lire plus

D’une guerre l’autre les privés dans le roman noir américain selon Donald E. Westlake (1)

« The hardboiled dicks » ou « les privés durs à cuire ». Le terme hardboiled, qu’on emploie pour parler d’une personne insensible, est apparu dans l’argot de la Première Guerre mondiale. Il a commencé par désigner les sergents responsables des parcours du combattant qui passaient les civils à la moulinette pour en faire des citoyens-soldats. L’argot créé en temps de guerre a tendance à suivre les soldats lorsqu’ils sont de retour chez eux et à survivre à la fin des combats. Le dur à cuire est devenu n’importe quelle personne qui ne montre pas de sympathie particulière pour vos problèmes. Le terme … Lire plus

Comment et pourquoi réussissent les immigrés, le débat américain

Les débats sur l’immigration et sur le sort des minorités ethniques sont souvent aux États‑Unis plus vifs et plus intéressants que ceux que nous avons en France. Les situations sont, malgré des différences évidentes qui viennent de l’histoire et de la géographie, beaucoup plus proches qu’on ne le pense, et l’on s’épargnerait des échanges stériles et oiseux, dont le dernier numéro du Débat illustre bien les rhétoriques obligées (avec ces échanges si prévisibles autour du livre d’Alain Finkielkraut, notre Thilo Sarrazin, « L’identité malheureuse », et autour des thèses de la démographe Michèle Tribalat), si l’on prenait tout à la fois, comme aux États‑Unis sur ces questions, le parti de la vérification empirique, de l’analyse historique et de la liberté de propos. Lire plus

Comment se créent les nations ? Dilemmes israéliens

Le jeune philosophe israélien Omri Boehm nous avait donné un article sur le sacrifice d’Abraham et sa dimension politique, paru dans le numéro précédent de Contreligne. Il commente pour nous l’ouvrage récemment paru aux États‑Unis « My Promised Land : The Triumph and Tragedy of Israel » de l’israélien Ari Shavit. L’ouvrage donne bien la mesure et l’intensité des dilemmes que connaissent nombre d’israéliens quand ils examinent le passé encore proche de leur pays et l’avenir trouble du Proche-Orient. On ne crée pas une nation impunément, disent certains. Constat trop commode, disent d’autres. Peu de nations ont cette exigence de lucidité intellectuelle, noterons-nous. Lire plus

Syndicats français et développement durable : mariage d’amour ou mariage de raison ?

Développement durable et syndicalisme entretiennent des relations ambiguës, parfois même conflictuelles. D’un côté de la ligne se trouvent les syndicats, corps intermédiaires issus du XIXe siècle et renforcés par le compromis fordiste et productiviste du XXe siècle. De l’autre côté du curseur, se place le développement durable, idée récente forgée en 1992, qui tente de sauvegarder la planète et le futur des nouvelles générations en rompant avec l’idéologie de l’infinitude des ressources. Dans ce contexte, les syndicats ont opéré un véritable aggiornamento, plus ou moins rapide selon les organisations, par rapport au développement durable permettant de faire naitre trois grandes familles de syndicalisme face à cet enjeu global : « les premiers croyants », « les nouveaux convertis », et les « réfractaires ». Lire plus

S’enrichir, se damner : DiCaprio à Wall Street

Les premières minutes du dernier film de Martin Scorsese, Le loup de Wall Street pastichent un spot – et plongent, d’emblée, le film dans la culture visuelle de la rhétorique publicitaire des années 80. Jordan Belfort, le protagoniste, un broker, évolue, toutes dents dehors, dans un long plan séquence. Face à la caméra, – comme s’il s’adressait directement au spectateur – il y fait la promotion de sa propre réussite. Evoluant en monsieur loyal, vrp luxe de la vie matérielle, filmé sur son yacht, à la sortie de son hélicoptère, ou dans sa somptueuse demeure, il incarne une forme de ce rêve américain, qu’explore, film après film, le réalisateur italo-américain. Mais ce paradigme du « self made man », de cet homme qui a réussi sur « la terre des opportunités », est ici poussé à son paroxysme, et comme vidé de son sens, dévoré qu’il est par le souci exclusif et permanent de l’argent. Lire plus

Les e-books ont-ils une âme ?

Tous les livres ne se prêtent pas indifféremment à une lecture sur une liseuse numérique. Certains semblent tout à fait écrits à cet effet, d’autres nécessitent davantage d’espace et de temps à la lecture. Faut-il pour autant distinguer entre les livres qui ont une âme et ceux qui n’en ont pas ?
Vous vous souvenez tous du défi qui attend Harry Potter dans les deux derniers tomes de ses aventures : le vil Lord Voldemort, qui s’est emparé du pouvoir, est surtout devenu immortelgrâce à la magie maléfique qui, bien des années plus tôt, lui avait permis de s’incarner à tout jamais dans sept objets, les fameux horcruxes − comme les appelle J. K. Rowling −, dont chacun renferme une copie de l’âme du méchant. L’univers de Voldemort est numérique : rien ne peut se perdre. Rien ne sert de le tuer, son âme ne s’en trouverait pas atteinte. Lire plus

Le sacrifice d’Abraham : aspects politiques

Dieu dit : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac; va-t’en au pays de Morija, et là offre-le en holocauste sur l’une des montagnes que je te dirai. » Genèse 22:2.
C’est par ces mots adressés par Dieu à Abraham que débute l’un des récits parmi les plus complexes sur le plan moral et les plus importants de la tradition biblique, récit qui renvoie encore à l’heure actuelle à des questions critiques sur la foi et l’obéissance, la religion et l’État. Abraham doit-il obéir à son Dieu ? Lire plus

Portrait du colonisé (à l’ère numérique)

Sitôt levé d’un mauvais sommeil entrecoupé par les sonneries brèves des mails arrivant sur son portable non désactivé, il ouvrira son ordinateur pour consulter les messages Facebook (plus de 300 friends), charger son i-phone. Au petit-déjeuner, il twittera une ou deux fois, puis sans cesse jusqu’au soir. Dans le métro, il se branchera sur i-tunes, jouera à un jeu vidéo, ou profitera d’un siège pour consulter sa  tablette numérique, glissant un index expert sur l‘écran. Il passera ensuite  près de 12 heures devant un ordinateur, ne quittant son travail sur des logiciels experts  – dont il ne cessera d’updater les … Lire plus