La Femme de Tchaïkovski, film misogyne

Dans la situation où se retrouve aujourd’hui la culture russe, ravagée par les oppositions politiques, éclatée par les exils et les existences semi-clandestines de ses meilleurs représentants, il  est difficile de porter un jugement sur un confrère de malheur. Mille données parasites viennent troubler la vision. Il est donc très difficile de parler de Kirill Serenbrennikov, un metteur en scène qui a dû passer par un procès en Russie, être assigné à résidence, privé de sa compagnie théâtrale, voué à l’exil, et qui doit composer maintenant avec un autre public et probablement puiser dans d’autres sujets. Pourtant la condition de Kirill Serebrennikov ne peut être comparée à celle des autres artistes russes non-officiels, tolérés à contre-cœur par le régime de Poutine (comme Alexandre Sokourov), mais également ignorés maintenant de grandes manifestations internationales. Lire plus

Néo-communisme et social-écologie

Dans son célèbre ouvrage de 1928 sur le socialisme, le sociologue Durkheim l’opposait au communisme de façon radicale. Le communisme, dit-il, consiste dans une excommunication des fonctions économiques, et c’est par cette tendance qu’il se définit, alors que le socialisme au contraire tend à les intégrer plus ou moins étroitement dans la communauté humaine. Le communisme tient tout entier dans un sursaut de la conscience morale abstraite, note-t-il, qui n’est d’aucun temps, ni d’aucun pays, et qui conteste les conséquences morales de la propriété privée en général. Il ne s’occupe qu’accessoirement des arrangements économiques proprement dits et ne les modifie … Lire plus

Le retour au travail des mutilés de la Grande Guerre

Le 14 juillet 1919, la longue procession que constitue le « défilé de la Victoire » est ouverte par un contingent d’un millier de mutilés de guerre. Ces « gueules cassées », amputés, aveugles et estropiés, immortalisés par Jean Galtier-Boissière, ne représentent qu’un mince échantillon des soldats que le premier conflit mondial rend à la société française en état d’invalidité, à des degrés inégaux, tant les atteintes corporelles subies dans les tranchées sont diverses. Les mauvaises conditions d’hygiène favorisent la diffusion de la tuberculose quand l’exposition aux gaz offensifs entraîne des bronchites chroniques. La reconnaissance de ces maladies est plus tardive que celle des … Lire plus

Colette et le cinéma

Colette connaissait bien et aimait les milieux du théâtre et du music-hall. On sait moins qu’elle eut une relation privilégiée avec le cinéma qui naissait à l’époque de ses débuts en littérature, en 1900.  Vous racontez qu’elle aime sincèrement le cinéma, qu’elle ne méprise pas comme d’autres écrivains de son temps, mais aussi qu’elle participe à la « fabrication » des films et à leur promotion commerciale du temps du cinéma muet puis du cinéma parlant. Lire plus

À BAS LA PRESSE BOURGEOISE ! Deux siècles de critique anticapitaliste des médias. De 1836 à nos jours

L’ouvrage de Dominique Pinsolle, professeur d’histoire à l’Université de Bordeaux, consacré à ce qu’il appelle la « critique anticapitaliste » des médias, mérite la lecture pour plusieurs raisons. C’est tout d’abord une synthèse utile des grands travaux sur l’histoire de la presse française, qui fait fonds sur les ouvrages de Jean-Yves Mollier et de Marc Martin, entre beaucoup d’autres (tous dûment cités en bibliographie), pour donner en deux cents pages ce qu’ont été les grandes étapes économiques et politiques du secteur. Lire plus

Emmanuel Macron et les classes absentes

On l’a dit, en 2017, la base sociale réunie par Emmanuel Macron fut pour l’essentiel composé de la bourgeoisie managériale, des classes moyennes du secteur privé et de jeunes gens de tous horizons séduits par son dynamisme et le pied de nez fait aux partis installés. Sa base sociale de 2022 est de même nature, sauf en ce qui concerne la jeunesse, attirée par des choix plus extrêmes. Cette base sociale resserrée lui a néanmoins permis d’arriver de nouveau au second tour des présidentielles, puis de profiter du rejet de Marine Le Pen pour gagner l’élection. Il faut beaucoup de mauvaise foi et de forfanterie Lire plus

Lydia TÁR

Le film de Todd Field, TÁR, n’a pas laissé la critique indifférente dans les pays où il est sorti. C’est le film du moment qui fait parler de lui. Qu’il soit encensé ou décrié, il y a consensus sur le fait que Cate Blanchett est magistrale, impériale et que sa performance saisissante est le résultat d’un investissement rare, puisqu’elle a appris l’allemand et s’est remise au piano pour être à la hauteur de rôle. Son talent est salué partout sans réserve aucune et la positionne déjà comme favorite pour le prochain Oscar de la meilleure actrice. Quant au scénariste-réalisateur Todd … Lire plus

Classique : les meilleurs albums de 2022

En cette fin d’année, Contreligne vous livre son palmarès des meilleurs albums parus en 2022. Quatre catégories instrumentales (piano, orchestre, musique vocale, musique de chambre) et quatre époques (baroque, classique, romantique, contemporain) ont été retenues. Pour se faire plaisir ou pour offrir à Noël, nos lecteurs y trouveront leur bonheur à coup sûr…. Messiaen, Mozart, John Adams, Schubert, Brahms, Gesualdo… Lire plus

À la recherche d’un continent perdu : les mélodies de Massenet

Qui pouvait se vanter de bien connaître les mélodies de Massenet ? Comme le souligne Jacques Hétu, maître d’œuvre de cette première intégrale, dans les Prolégomènes du livret accompagnateur, elles sont la partie la plus méconnue de sa production. Absentes des concerts, délaissées par les musicologues, objets de jugements aussi expéditifs que méprisants de la part de la critique – quand elle daignait s’y intéresser –, et boudées par les stars du chant, elles n’avaient fait que de furtives apparitions au disque. On n’en conserve pas des souvenirs moins précieux de ceux du baryton suisse Bernard Kruysen (magnifiquement accompagné par Noël … Lire plus

Le retour de Francesco Jovine

Francesco Jovine avait disparu des lettres italo-françaises depuis vingt-cinq ans quand deux de mes étudiants, Coralie Gourdange et Piotr Verrezen, l’avaient remis à l’honneur en 2019 en publiant Les beaux rêves de Michele dans la revue Europe, traduction d’une de ses nouvelles tirée du recueil Ladro di galline (Voleur de poules), inédit en français. Sa dernière traduction remontait à l’an 1994 quand Fayard faisait paraître La maison des trois veuves. Sous ce titre était ainsi publié un recueil de nouvelles dans lequel l’auteur portait un regard enfin critique sur le fascisme qui, à ses débuts (ceux du fascisme et ceux du Jovine écrivain), ne l’avait pas laissé indifférent ou, dirait-on mieux, l’avait quelque peu intrigué. Lire plus